La dysphasie est un syndrome d'origine neurologique qui est présent dès la petite enfance. La dysphasie perturbe les habiletés de communication verbale (c'est-à-dire la compréhension du message qui est véhiculé dans le discours ou l'expression verbale de la pensée).
La dysphasie est causée par un dysfonctionnement des structures du cerveau impliquées dans le langage (qui, pour la plupart des personnes, sont situées du côté gauche du cerveau), ainsi que les aires avoisinantes qui sont responsables des fonctions autres que le langage. Ainsi, même si une des composantes principales de ce syndrome est un trouble spécifique du langage, la dysphasie est en fait un regroupement de déficits qui touche aussi d'autres fonctions neuropsychologiques telles que l'attention, la mémoire, la planification et l'organisation, ainsi que la motricité fine et globale.
Seule l'évaluation en neuropsychologie permettra de départager entre un trouble d'apprentissage qui relève de la dysphasie et un problème d'origine psychoaffective, ou de départager entre la dysphasie et la déficience intellectuelle, le trouble envahissant du développement ou encore d'autres troubles qui peuvent provoquer des manifestations qui ressemblent à celles de la dysphasie.
La gravité de la dysphasie et la nature des troubles associés varient considérablement d'une personne à l'autre. C'est pour cela qu'il n'y a pas une dysphasie mais plutôt des dysphasies. Les caractéristiques de la dysphasie dépendent d'au moins trois facteurs : a) les composantes du langage qui sont touchées, b) l'âge de l'individu, et c) les autres déficits neuropsychologiques qui coexistent avec ce trouble.
Le langage n'est pas une unité indivisible, mais comprend plutôt plusieurs composantes dont certaines peuvent être perturbées alors que d'autres peuvent demeurer intactes. En réalité, le langage est une activité complexe qui sollicite plusieurs régions du cerveau qui sont susceptibles d'être affectées différemment, ce qui fait en sorte que l'on peut retrouver un large éventail de déficits ainsi qu'une variation importante dans le degré de gravité.
Certains des aspects du langage qui peuvent être perturbés durant le développement incluent :
Les différentes composantes des capacités langagières évoluent à des rythmes différents tout au long du développement normal, de l'enfance à l'adolescent, ce qui peut faire en sorte qu'une dysphasie qui est légère à l'âge de 5 ans peut être sévère à l'âge de 12 ans. L'inverse peut également être vrai, selon l'évolution du trouble durant le développement.
Comme il a été mentionné ci-dessus, la dysphasie est considérée comme un syndrome complexe, car en plus des troubles d'origines langagiers, on y retrouve souvent d'autres atteintes neuropsychologiques dont la nature et le degré de gravité varient d'une personne à une autre.
Il existe un certain désaccord dans la littérature sur la catégorisation des différents types de dysphasie. En fait, plusieurs auteurs ont proposé des schémas de catégorisation, mais jusqu'à présent aucun n'a reçu l'appui général. Cependant, les manuels diagnostiques médicaux offrent une structure générale de catégorisation. Les critères qui permettent d'identifier la dysphasie sont établis par l'Association américaine de psychiatrie (DSM-IV-TR®, 2000) ainsi que par l'Organisation mondiale de la santé (ICD-10, 2003). Il s'agit d'un groupe d'experts (formé de chercheurs et de cliniciens) qui se fondent sur des données scientifiques afin d'élaborer une série de critères diagnostiques précis.
On nous propose donc trois grandes catégories de dysphasie. Premièrement, le trouble du langage peut être principalement de nature expressive (la dysphasie expressive). Dans ce cas, c'est principalement la production et l'élaboration du discours qui sont perturbées. Ce type de dysphasie peut se présenter sous différentes formes. Les paroles peuvent être difficilement distinguables et l'expression peut être télégraphique ou par mots isolés (trouble de nature phonologique). Les phrases peuvent ne pas être bien construites, il peut y avoir un manque du mot et l'organisation du discours et des idées peuvent être difficiles (trouble de la syntaxe et d'accès lexical). De plus, il se peut que les phrases soient bien organisées mais que le discours soit dépourvu de sens ou qu'il soit « vide » (trouble sémantique et pragmatique).
L'étudiant qui souffre d'une dysphasie de nature expressive arrive généralement à bien comprendre l'information, il saisit bien les idées et les concepts véhiculés et il fait les liens nécessaires à la compréhension. Par contre, il n'arrive pas à communiquer clairement sa compréhension et ses intentions. Ainsi, les parents et enseignants peuvent parfois avoir l'impression que cet enfant n'a pas bien compris alors qu'il n'arrive pas à exprimer ses connaissances.
Deuxièmement, le trouble du langage peut être principalement de nature réceptive (la dysphasie réceptive). Ce trouble affecte la compréhension du message verbal. Par exemple, il peut y avoir une méconnaissance des mots ainsi qu'une mauvaise compréhension de l'idée qui se dégage de l'ordre des mots et du rapport entre eux.
Dans ce cas-ci, l'enfant aux prises avec une dysphasie de nature réceptive ne comprend pas bien les consignes et n'intègre pas l'information qui lui est apportée verbalement. Ceci peut faire en sorte que les réponses apportées soient souvent hors sujet. À la longue, et surtout par découragement, l'enfant peut avoir tendance à décrocher et perdre sa motivation. Encore une fois, il faut bien comprendre que ceci est une conséquence de la dysphasie et non la cause du problème.
Enfin, il y a le trouble de nature mixte, qui touche à la fois l'expression et la compréhension.
L'enfant dysphasique vit une grande frustration de par le fait qu'il éprouve de la difficulté à se faire comprendre. Il n'arrive pas toujours à bien exprimer ses inquiétudes, sa tristesse et sa colère. Parce qu'il a souvent de la difficulté sur le plan académique, il se fait parfois juger et pointer du doigt. Il se fait aussi étiqueter comme étant entêté, opposant, agressif et perturbateur. L'enfant dysphasique se fait également rejeter par ses pairs car son discours est perçu comme étant immature. Tout cela peut faire en sorte que la personne aux prises avec une dysphasie a tendance à s'isoler. Il est donc important de retenir que les relations sociales sont souvent difficiles pour les enfants et adultes qui souffrent de dysphasie. Une intervention à cet égard est également essentielle.
L'indentification formelle de la dysphasie est un processus différentiel. Le neuropsychologue fera une évaluation complète qui tient compte de l'ensemble des fonctions neuropsychologiques (comme les compétences intellectuelles, la mémoire, l'attention, les habiletés motrices, l'organisation et la planification, les habiletés visuo-perceptives), du profil psychoaffectif (les traits anxieux et dépressif, l'estime de soi, les comportements d'oppositions et agressifs, la socialisation) et des habiletés de communication verbale (la saisie du message et la compréhension, la production et l'élaboration du discours et des idées).
L'évaluation en neuropsychologie permettra donc de distinguer un trouble d'apprentissage qui relève de la dysphasie d'autres troubles qui peuvent directement ou indirectement affecter les habiletés de communication langagière mais qui n'ont aucun lien avec la dysphasie. Par exemple, les enfants qui souffrent d'autisme, de déficience intellectuelle légère, de mutisme sélectif, de trouble de la mémoire et de déficit grave de l'attention peuvent tous avoir des manifestations langagières qui ressemblent grandement à celles que l'on retrouve chez les enfants atteints de dysphasie. En outre, une évaluation complète de l'ensemble des fonctions neuropsychologiques (incluant le profil psychoaffectif et le rendement académique) est importante en ce qu'elle permet également d'identifier les troubles qui coexistent avec la dysphasie. En effet, plusieurs enfants aux prises avec une dysphasie peuvent également présenter des troubles de mémoire verbale, d'attention, de motricité ainsi que des troubles de planification et d'organisation. Finalement, l'évaluation de l'ensemble des fonctions neuropsychologiques de l'enfant permettra aussi de faire ressortir ses forces. Il ne faut surtout pas oublier que l'avenir de ces individus passe souvent par leurs intérêts et leurs forces.